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le blog du wanderer pour les fous d'opéra, de concerts classiques, et de théâtre ← articles plus anciens 04 juin 2018 la saison 2018-2019 du teatro alla scala traditionnellement, la scala est pratiquement le dernier des grands théâtres à annoncer sa saison, et cette année ne fait pas exception. avant d’en découvrir le caractère, il est bon de rappeler le tissu de contradictions dans lequel ce théâtre est prisonnier, comme une proie dans une toile d’araignée, et les difficultés qui s’annoncent à la fin en 2020 du mandat d’alexander pereira, où le brouillard est encore plus épais. la seule forte probabilité est que le sovrintendente sera italien, mais l’aventure turinoise où le lobby « cinque stelle » a nommé à peu près deux guignols est une alerte. contrairement à paris, la scala construit son image depuis des décennies sur la tradition, sur une histoire, sur un répertoire. la tradition, c’est celle de grands spectacles formellement parfaits, où toute la maison montre l’excellence de ses personnels à tous niveaux, une histoire, c’est celle d’un théâtre qui est devenu peu à peu le phare des théâtres italiens, laissant derrière ses rivaux du xix e , la fenice de venise et le san carlo de naples. le rival aujourd’hui, c’est l’opéra de rome, bien plus récent, qui traverse une période plutôt fructueuse, mais dont l’histoire est faite de flux et reflux. les grands opéras italiens qui ont fait la gloire du lyrique de la fin du xx e , au-delà de la scala, sont essentiellement florence, avec un mai musical qui fut un phare européen, et qui n’est plus grand chose aujourd’hui à cause d’une gestion désastreuse et d’une nouvelle salle mal conçue, ou bologne qui fut toujours un théâtre important dans les années 1970 à 1990 et qui malgré la présence de michele mariotti, cherche à retrouver un rôle. on a beaucoup reproché à stéphane lissner à milan d’avoir fait une programmation plus européenne qu’italienne, et donc banalisé un théâtre à la forte identité, une institution devenue un des symboles de la nation, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. le concert du 11 mai 1946 dans la scala reconstruite, dirigé par arturo toscanini, est l’emblème d’une reconstruction du pays, marqué par le retour de celui qui fut une des têtes de pont contre le fascisme. toscanini, symbole de la scala, est d’ailleurs souvent confondu et c’est une des premières contradictions de ce théâtre, avec un symbole de tradition. or, toscanini est celui qui a porté wagner, debussy, moussorgski à la scala, et même demandé à adolphe appia une mise en scène de tristan und isolde est un symbole de modernité et d’ouverture pendant la période où il a dirigé ce théâtre. toscanini c’était l’ouverture et la modernité : à l’opposé de ce qu’est la scala depuis 1986, année de départ de claudio abbado. la contradiction de ce théâtre et le conflit dont il ne sort pas, c’est bien le conflit entre une certaine idée de la tradition et une certaine idée de la modernité. le public italien est plutôt traditionnel en matière de mises en scène mais aussi souvent en matière musicale, bien que le théâtre ait une tradition de créations telle qu’il est le théâtre qui a vu le plus de créations depuis sa construction, et que cette tradition se poursuit, même si on crée et on ne reprend jamais, à de rares exceptions (cette saison…). qui se souvient de blimunda d’azio corghi ou doktor faustus de giacomo manzoni, voire plus récemment de co2 de giorgio battistelli ? la première de wozzeck (dirigée par dimitri mitropoulos, avec tito gobbi) en 1952 fut huée par un public en furie pour son entrée à la scala, 27 ans après la création berlinoise…et encore aujourd’hui, wozzeck ne fait jamais le plein alors que l’opéra a été plutôt bien servi au niveau des distributions et des chefs (mitropoulos, abbado, sinopoli, conlon, gatti, metzmacher), ce n’est qu’un exemple. il a donc été reproché à lissner de ne pas avoir soigné le répertoire italien comme il a soigné le répertoire non-italien, et d’avoir fait appel à des metteurs en scène très contestés. un symbole : la traviata confiée à dmitri tcherniakov, un spectacle complexe, et intelligent, très contesté par le public et une critique pas très ouverte, est jeté aux oubliettes et à la place cette saison on va retrouver la production fade et sans idées de liliana cavani qui fit les beaux soirs du théâtre depuis 1990…car dans sa position, alexander pereira ne veut pas de vagues, et veut plutôt épouser l’air un peu poussiéreux qui règne à milan. quand pereira est arrivé à milan, il a affirmé un retour vers le répertoire italien, et c’est aussi le désir du directeur musical riccardo chailly que de proposer en inauguration des œuvres italiennes (giovanna d’arco, madame butterfly, andrea chénier, turandot, et cette année attila). quand strehler et ronconi étaient vivants, aux temps d’abbado, ce pouvait être aussi le cas, mais avec d’autres spectacles qui ont marqué les temps ( simon boccanegra , don carlo ) et l’on osait faire appel à des metteurs en scène qui montraient une certaine modernité : lioubimov, lavelli, chéreau. que la scala marque son identité culturelle en affichant encore aujourd’hui la bohème de zeffirelli ou l’ aida du même qui remontent à 1963 ne me choque pas en soi, mais que ce soit le bout du bout de la réflexion culturelle de ce théâtre me chagrine. le seul directeur artistique marquant des trente dernières années a été cesare mazzonis, qui savait parfaitement allier tradition et ouverture, avec intelligence, finesse et curiosité. tous les autres ont été bien médiocres et surtout n’ont rien su inventer. le résultat de cette absence de politique, c’est que la scala est un nom, mais qu’aucun spectacle des vingt dernières années n’a fait référence dans le monde lyrique. il fut un temps où les fans du lyrique se déplaçaient en masse à la scala pour voir des spectacles, pour écouter les voix, pour des chefs. aujourd’hui ce n’est plus vrai. pire encore, le public n’est plus au rendez-vous, d’excellentes productions comme der rosenkavalier dans la production kupfer de salzbourg (avec zubin mehta au pupitre), ou die meistersinger von nürnberg du même (avec gatti), venue de zürich montrent des salles aux travées vides. cette année, la belle francesca da rimini , pur répertoire italien, dirigée par l’excellent fabio luisi, n’était pas non plus très remplie (il restait 600 places à vendre la veille du jour où j’y suis allé, avec des places à 50% de réduction pourtant). seul fait discuter le spectacle d’ouverture de saison, qui fait l’objet d’une campagne de presse exagérée et qui attire le public si la star est au rendez-vous. la politique tarifaire absurde, qui laisse l’accès aux clientèles riches de passage mais l’interdit aux autres qui se refusent avec raison à payer 300 euros une place d’orchestre, l’absence de ligne artistique (le répertoire italien ne peut faire seul office de ligne), le trop grand nombre de productions pour un théâtre au public faussement international, voilà entre autres les questions à résoudre : le public de la scala pour l’essentiel habite dans un rayon de 4 km autour du théâtre et a ses habitudes ancrées depuis des lustres fondées sur une douzaine de productions annuelles. quand je suis arrivé à milan, – j’étais chaque soir ou presque au théâtre – la saison lyrique allait de décembre à juillet, et la saison symphonique prenait le relais de septembre à novembre. aujourd’hui la saison symphonique est diluée et réduite, grave erreur pour un théâtre comme la scala, et la saison lyrique court de décembre à novembre de l’année suivante, mettant évidemment sous pression les forces du théâtre. claudio abbado – encore lui – ne dirigeait pas plus de deux ou trois productions, mais restait au contraire très présent pendant la saison symphonique, convaincu avec juste raison que c’est par le travail symphonique sur des répertoires peu explorés alors (mahler !) que l’orchestre progressait. crise de public, crise artistique, directeur musical peu présent (riccar